
Organisée par l’Ambassade du Danemark, en partenariat avec le Réseau « Monde carcéral » de l’EHESS, la conférence « La prison, une architecture de la punition et de la confiance » a réuni le 21 novembre 2016 à la Maison du Danemark, trois intervenants :
- Didier Fassin, directeur d'études de l'EHESS, professeur à l’Institute for Advanced Studies de l’université de Princeton
- Rikke Hansen, architecte
- Jean-Pierre Weiss, ancien directeur général de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ)
À travers des exemples de l’architecture pénale en Scandinavie et en France, ces experts ont discuté des réponses que peut apporter l’architecture de ces deux modèles carcéraux pour la préservation de la dignité humaine malgré la punition.
Didier Fassin a introduit la conférence en abordant l’évolution du système carcéral ces dernières décennies en France, fondée sur une logique sécuritaire de plus en plus affirmée : élargissement progressif du panel des peines infligées, augmentation du niveau de sévérité des peines, notamment pour les délits mineurs, etc. Cette évolution a entraîné de nombreux changements sur les conditions carcérales, notamment une situation de surpopulation et une augmentation du taux de suicide jusqu’aux années 1990. La France est aujourd’hui le pays qui connaît le taux de suicide le plus élevé d’Europe en milieu carcéral.
La question de l’architecture comme réponse possible à une meilleure prise en compte de la dignité humaine s’est alors posée. Progressivement de nouvelles prisons à l’architecture repensée se sont construites avec, pour ambition, de concilier des exigences de sécurité de plus en plus fortes et la prise en compte de la dignité humaine et des objectifs de réinsertion.
Jean-Pierre Weiss, ancien directeur général de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) s’est ensuite exprimé sur la réalité du quotidien dans les prisons françaises, fortement marquée par l’accumulation des règles de sureté. L’architecture pénale a, selon Jean-Pierre Weiss, un véritable rôle à jouer pour améliorer ce quotidien. En considérant l’agencement des différents bâtiments les uns par rapport aux autres, la gestion du bruit, l’entrée de la lumière du jour, la présence de végétation sur les parties extérieures, la construction de lieux d’intimité pour les rencontres avec les familles, la nature des matériaux de construction utilisés, ou encore l’introduction de l’art dans l’enceinte des prisons, l’architecture peut améliorer la vie carcérale.
L’architecte danoise Rikke Hansen a ensuite illustré les propos précédents par la présentation de l’architecture d’une prison de haute surveillance récemment construite en Norvège (prison de Halden). Conçue pour favoriser l’apaisement et éviter les récidives, la prison a été pensée comme une ville miniature dont l’architecture tient compte des exigences de punition tout en les conciliant avec les objectifs de réinsertion. Cette prison permet par exemple aux détenus d’accéder à des espaces extérieurs fermés où la végétation d’origine a été préservée. Des matériaux de construction naturels ont été utilisés, comme le bois par exemple. Des matières reflétant la lumière du jour ont été privilégiées. Un lieu de culte accessible quelle que soit sa religion a également été construit. Enfin, des œuvres artistiques ont été exposées sur les murs d’enceinte afin d’adoucir la présence du béton.
La prise en compte de la dignité humaine en milieu carcéral passe donc aussi par une architecture pénale spécifique, pensée comme un vecteur de réhabilitation et de réinsertion des détenus.
Architecture, Prisons