Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas - LIER-FYT

Au 1er janvier 2019, en accord avec ses deux tutelles, l'Institut Marcel Mauss (IMM) s'est transformé en deux FRE (formation de recherche évolutive) "ascendantes": le Lier-FYT et le CEMS. L’EHESS compte donc deux nouvelles unités de recherche.

Le « Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas » (LIER-FYT) regroupe des sociologues, des spécialistes du droit et des philosophes intéressés par une question commune: celle des formes de connaissance et des processus de réflexivité au sein des sociétés modernes..

Son directeur, le sociologue Cyril Lemieux, et sa directrice-adjointe, la philosophe Julia Christ, expliquent ici l’ambition scientifique qui réunit les chercheurs et les chercheuses, d’horizons divers, qui ont décidé de rejoindre cette unité.

 

On comprend, d’après son nom, que le LIER-FYT se consacrera à l’étude des réflexivités. Que faut-il entendre par là ?

CL : La réflexivité est un terme aujourd’hui en vogue dans les sciences sociales mais lorsqu’il est mobilisé, c’est le plus souvent pour évoquer la réflexivité du chercheur ou de la chercheuse. Notre perspective est différente : nous étudions ce qu’on peut appeler la production sociale de réflexivité, c’est-à-dire la manière dont les sociétés, les groupes et les institutions mettent en cause et en discussion leurs propres pratiques et leurs propres discours. Fait partie intégrante de ce programme l’examen de ce qui limite ou entrave leur capacité à produire une telle réflexivité.

JC : Cette perspective de recherche nous conduit à adopter une approche de la réflexivité qui est à la fois non-mentaliste et non-individualiste. La réflexivité n’est pas une faculté de l’individu seul ou de son cerveau : en ce qu’elle signifie et implique une critique de leurs pratiques menée par les acteurs eux-mêmes, son émergence est liée à l’organisation sociale et elle dépend de l’action collective. C’est pourquoi nous cherchons à étudier ce qui, dans l’ordre social et institutionnel, favorise ou empêche la production de réflexivité et que nous nous intéressons, sous ce rapport déterminé, aux transformations historiques des sociétés ainsi qu’à une éventuelle spécificité des sociétés modernes, dont on peut faire l’hypothèse qu’elles ont érigé la réflexivité en une sorte d’idéal – ce qui ne signifie pas, tant s’en faut, que l’idéal soit réalisé.

 

Le LIER-FYT se veut un laboratoire « interdisciplinaire ». En quel sens ?

JC : Interdisciplinarité signifie pour nous de réunir des disciplines qui, dans un contexte intellectuel et politique donné, s’attirent mutuellement. Par « attirance », il faut entendre que les disciplines se rencontrent en visant certains problèmes ou certains lieux problématiques communs, qu’elles envisagent et traitent différemment. Pour nous, le topos central de cette rencontre est la réflexivité spécifique qui sous-tend la condition des sociétés modernes. Les disciplines actuellement présentes dans notre laboratoire – la sociologie, la philosophie, le droit et dans une moindre mesure, la linguistique – étudient avec leurs méthodes et leurs moyens propres ce phénomène. D’autres disciplines encore, comme l’histoire et l’anthropologie, ont vocation à contribuer à notre réflexion. Laquelle, faut-il le préciser, ne se limitera pas au cadre européen.

CL : Notre approche obéit à ce qu’on peut appeler un programme interdisciplinaire « au sens fort ». Nous partons du principe que chaque discipline possède sa technicité et ses exigences méthodologiques et que c’est en s’y tenant, et depuis son lieu propre, qu’elle est en mesure d’affecter les autres et d’être affectée par elles. Cette conception s’oppose à l’idée de « transdisciplinarité », consistant à imbriquer les disciplines les unes aux autres jusqu’à ne plus distinguer entre elles. Mais elle s’oppose tout autant à l’isolationnisme consistant pour une discipline à rester hermétique au dialogue avec les autres et à ne pas chercher à contribuer, avec elles, à l’élaboration d’un projet scientifique commun – en l’occurrence, celui qui nous réunit au sein du LIER-FYT mais on pourrait dire la même chose à un autre niveau d’un certain projet des sciences sociales qu’incarne l’EHESS elle-même.

 

Apparaît dans le nom de l’unité un « Fonds Yan Thomas ». À quoi cela fait-il référence ?

JC : Les spécialistes d’histoire et de philosophie du droit qui rejoignent le LIER-FYT amènent avec eux un fonds documentaire exceptionnel : celui qu’avait constitué au fil de son existence le regretté Yan Thomas. Il s’agit de 1500 volumes principalement de droit romain, d'histoire du droit et d'histoire de l'antiquité, auxquels s’ajoutent environ 4500 thèses de droit, de science politique et d’économie, publiées en France entre 1924 et 1967. Une vraie mine d’or pour tous les chercheurs et chercheuses qui s’intéressent au droit et à ses évolutions !

CL : Un de nos objectifs, dans les années qui viennent, sera de rendre ce fonds accessible au public intéressé et de le valoriser, en particulier en le numérisant afin de permettre aussi sa consultation à distance. En mentionnant le nom de Yan Thomas dans l’intitulé de notre centre, il nous tenait à cœur de signaler que le droit est dans la vie sociale un opérateur de réflexivité parmi les plus importants et que son étude, par conséquent, constitue l’un des piliers essentiels du programme scientifique de notre unité.

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