La motocyclette dans tous ses états en Afrique subsaharienne : entre pratiques mobilitaires, enjeux socio-économiques et représentations sociales

Ce colloque international sur les motocyclettes en Afrique, le premier du genre, se propose d’explorer, dans une perspective multidisciplinaire et comparative, les différentes dimensions de l’essor de la motocyclette sur le continent, bien au-delà de la question des mobilités. Il est organisé par le laboratoire de recherche PREDES (Université de Kara, Togo) en partenariat avec l’EHESS (Campus Marseille, France).

Coordination scientifique

  • Giorgio BLUNDO, directeur d’études à l’EHESS, Centre Norbert Elias, Marseille, France.
  • Assogba GUÉZÉRÉ, maître de Conférences à l’Université de Kara, PREDES, Togo.
 
Argumentaire

Depuis son invention en 1868 par l’ingénieur français Louis-Guillaume Perreaux et sa première mise en production en 1899 par les frères Werner, qui lui donnèrent le nom qu’elle porte encore, la motocyclette s’est progressivement répandue sur tous les continents. En 2019, ses ventes mondiales ont dépassé les 60 millions d’unités. Objet du quotidien, les deux roues motorisées sont pourtant relativement invisibles dans la littérature en sciences sociales (Pinch and Reimer2012). Ce constat est particulièrement évident pour le continent africain. Vue du Nord, l’Afrique a été pendant longtemps juste un immense terrain d’entrainement – symbolisé par le sexploits du Paris-Dakar – pour des motards occidentaux en quête d’exotisme et d’aventure, au moment même où, dans leurs pays, la pratique de la moto était l’objet des réglementations deplus en plus restrictives.

Si l’histoire de la motocyclette en Afrique reste à faire, on sait qu’avant les indépendances son usage demeure limité à l’élite coloniale (Gewald 2009). Mais à partir des années 1970, les motos, d’abord européennes puis japonaises, permettent la mobilité d’une « classe moyenne » africaine émergeante, composée de fonctionnaires, salariés du secteur privé, étudiants fortunés. Bien de luxe et symbole de distinction sociale, la motocyclette devient un élément important dela culture matérielle, surtout urbaine, comme l’attestent les célèbres portraits du photographe malien Malick Sidibé immortalisant des Bamakois sur leurs montures rutilantes. Depuis les années 2000, l’importation massive de motos chinoises et indiennes, plus abordables à l’achat que leurs concurrentes de marque japonaise et déclinées en de nombreux modèles s’adressant à différentes catégories de consommateurs, a inauguré une nouvelle phase dans la diffusion de ce mode de transport, qui a désormais supplanté l’usage des voitures dans tous les pays d’Afrique subsaharienne. Dernier marché investi par les fabricants asiatiques de motos économiques, après l’Asie du Sud-est, l’Amérique du Sud et le Moyen orient, le continent africain recèle un potentiel immense. En 2016, il s’est vendu en Afrique 3,6 millions de motos, pour une valeur de 4,6 milliards USD. Ces chiffres étaient censés doubler en 2021.

Si la diffusion croissante des motocyclettes en Afrique est une réponse à la faiblesse de l’offre de transport public, au mauvais état des infrastructures routières, à l’impossibilité des ménages d’accéder aux voitures particulières, elle correspond aussi à de nouveaux besoins de mobilité2 individuelle, de consommation et de distinction sociale exprimés par les classes moyennes africaines.A ce jour, l’essentiel des publications en sciences sociales au sujet des motocyclettes vient de la géographie des transports et de la sociologie urbaine (Godard, 2002 ; Agossou, 2004 ;Guézéré, 2008, 2012 ; Diaz Olvera et al, 2009, 2016) et se concentre sur le phénomène des taxis-motos (les deux roues et les tricycles). Leur présence est attestée dans plus de la moitié des villes d’Afrique sub-saharienne de plus de 100 000 habitants, avec une aire de diffusion qui s’est étendue depuis la fin des années 1980 des villes du Nigeria, du Bénin et du Togo, à l’Afrique Centrale (Cameroun, Centrafrique, Tchad), mais également à l’Afrique de l’Est (Ouganda, Kenya, Rwanda) ou Australe (Angola) (Diaz Olvera, 2017). La forte disponibilité et le caractère bon marché des facteurs de production (main d’oeuvre en recherche d’emploi, motoset carburant, parfois de contrebande) et les perspectives d’un retour sur investissement rapide pour les détenteurs de capital à la recherche d’activités lucratives ont favorisé le boom de l’activité (Diaz Olvera, idem), dans des contextes d’urbanisation rapide et incontrôlée et de faible capacité de régulation par les pouvoirs publics des métiers du secteur informel.

D’autres travaux s’intéressent à l’impact des deux roues motorisées sur la santé publique (accidents de la circulation routière) et l’environnement, mais il reste de nombreuses questions et domaines de recherche à défricher : les filières de commercialisation nationales et transnationales (KhanMohammad 2016), les impacts économiques induits, les transferts technologiques (Tastevin 2015), les représentations socio-anthropologiques de la moto, les questions sécuritaires et environnementales, les formes et les instances politiques et administratives de régulation, etc.

Ce colloque sur les motocyclettes en Afrique, le premier du genre, se propose ainsi d’explorer,dans une perspective multidisciplinaire et comparative, les différentes dimensions de l’essor dela motocyclette sur le continent, bien au-delà de la question des mobilités. Nous convions les géographes, les historiens, les anthropologues, les sociologues, les économistes, ainsi que lesmédecins, à croiser leurs regards et leurs analyses, à travers des contributions empiriquement fondées, autour de cinq grands axes thématiques.

Anthropologie Afrique

Informations pratiques

Chercheur(s):
Date(s)
  • Wednesday 9 March 2022 - 07:00 to Friday 11 March 2022 - 12:30
Lieu(x)
  • Université de Kara, Togo
À consulter