Produire, conserver et consommer à Kunara (Kurdistan irakien, IIIe millénaire av. J.-C.)
ChainOp

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Le projet ChainOp « Produire, conserver et consommer à Kunara (Kurdistan irakien, IIIe millénaire av. J.-C.) » est dirigé par Grégory Chambon, directeur d’études à l’EHESS, et Aline Tenu, directrice de la Mission archéologique française du Peramagron, CNRS
Participants au projet
- Philippe Clancier (maître de conférences HDR, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne)
- Florine Marchand (doctorante, Université Libre de Bruxelles)
- Julien Monerie (maître de conférences, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne)
- Michaël Seigle (doctorant, Université Lyon 2 Lumière)
- Cécile Verdellet (docteure, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne)
Ce projet, associé à la Mission archéologique française du Peramagron, a pour objectif d’étudier la chaîne opératoire de la production, de la conservation et de la consommation des produits à Kunara (Kurdistan irakien), à la fin du IIIe millénaire av. J.-C.
Cette enquête nécessite une approche pluridisciplinaire qui va au-delà de l’histoire et l’archéologie proche-orientale et qui convoque aussi l’anthropologie, l’histoire des techniques, notamment lithique et céramique, l’archéo-zoologie et l’histoire économique. Cette approche invite en particulier à réfléchir de nouveau à la notion de « chaîne opératoire ».
Le site archéologique de Kunara au Kurdistan irakien fournit un terrain exceptionnel d’études réunissant toutes les conditions pour croiser les différents types de sources à une échelle locale. Le site est exploré depuis 2012 par la Mission archéologique française du Peramagron (Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères) en coopération avec le Département des Antiquités de Souleymaniyeh. Les bâtiments qui y ont été découverts témoignent d’une très grande maîtrise de techniques constructives élaborées et inédites dans la mise en œuvre de la terre à bâtir. L’étude du matériel céramique, archéo-zoologique, lithique, épigraphique et sigillographique montre que Kunara se trouvait au cœur d’un terroir bien mis en valeur dont les produits y étaient conservés et administrés.
Quatre axes de recherche développés
1. Importance de la mise en valeur agricole
Bien que Kunara soit situé dans une région où il n’y a pas besoin d’irriguer, nos travaux ont pu déceler la présence de canaux d’irrigation autour du site, destinés à augmenter le volume et la qualité des récoltes. De plus, la variété de types de farines relevées dans la documentation épigraphique révèle la diversité et la complémentarité des terroirs.
2. Stockage des produits
Différents récipients de stockage ont été retrouvés. Leur mise en série doit permettre de connaître le type de denrées stockées (céréales, farine, huile ou vin). De plus, une analyse de leur capacité (en partenariat avec le projet ARCHEO-METROLOGIA de l’EHESS/CNRS) doit fournir de nouvelles informations d’ordre technique et métrologique, qui enrichiront la réflexion sur le stockage céramique ainsi que sur le concept de mesure dans une société ancienne.
3. Travail des produits
Les restes organiques se conservent mal en Orient, mais cette lacune peut être en partie comblée par trois types d’études complémentaires. D’abord, l’analyse typologique et morphologique des pièces lithiques combinée aux observations tracéologiques permet d’en identifier les fonctions. À Kunara, des faucilles mais également des lames de tribulum, utilisé pour la récolte et le dépiquage des céréales ont été mises au jour. Ensuite, les restes de faune présentent souvent des traces de découpe qui témoignent du traitement des carcasses soit pour la consommation immédiate soit pour la boucherie et donc pour la préparation de quartiers de viande devant être -même brièvement- conservés. Enfin, des récipients céramiques sont réservés à la cuisson ou à la consommation des aliments. C’est une étude croisée des pâtes utilisées et des formes qui permettent de déterminer leur emploi.
4. Pratiques administratives
Les tablettes et fragments cunéiformes trouvés depuis 2015 appartiennent à deux archives distinctes, dont un « bureau de la farine ». Leur étude offre la possibilité de mieux comprendre les procédés d’administration et de gestion des produits, qui entraient et sortaient de Kunara. Une tablette découverte en 2018 indiquait d’énormes quantités, sans doute de grain, comptabilisées dans une unité de mesure inédite à ce jour, le GUR du Subartu. Kunara disposait ainsi d’au moins deux administrations différentes et plusieurs scribes y étaient employés. Un sceau-cylindre et des scellements attestent également de procédures de contrôle des produits. L’ensemble de ces pratiques gestionnaires sont connues depuis longtemps en Mésopotamie même, mais dans la région de Kunara elles sont documentées pour la première fois.
Projet soutenu par le fonds de la recherche de l’EHESS.
Archéologie