Journée d’étude Familles et environnement

Appel à communications pour la journée d’étude « Familles et parenté face aux bouleversements environnementaux : mutations et résistances ? » qui se tiendra au Centre Norbert Elias à Marseille le 5 juin 2023 sous la coordination scientifique de Pierre-Yves Wauthier (Centre Norbert Elias/EHESS).
Dans plusieurs régions du monde, des changements environnementaux affectent les conditions de vie des populations. En réponse à ces changements, les politiques environnementales présagent de profondes évolutions de nos modes d’existence. Cette journée se propose d’articuler les questions soulevées par ces mutations au champ de la famille et de la parenté : en quoi ces transformations contribuent-elles ou pourraient-elles contribuer à modifier les modes de vie familiale et/ou l’exercice des fonctions associées à la parenté ? Le Centre Norbert Elias propose une journée d’étude, le 5 juin 2023 à Marseille, ouverte aux chercheur.e.s en sciences sociales intéressé.e.s par ces questions, afin de constituer un état des savoirs et un réseau de travail.
Argumentaire
Depuis la publicisation d’observations mesurées du réchauffement climatique et de la réduction de la biodiversité par des organes d’alerte scientifiques (GIEC, IPBES…), des instances politiques agissant aux niveaux macro et mésosocial (de l’ONU à l’association de quartier) ont pris nouvellement conscience que faire société repose à la fois sur des nécessités biologiques et des contraintes socialement instituées. Le « Pacte Vert » européen, un New Green Deal (Rifkin, 2019) et des « politiques environnementales » nationales et régionales ambitionnent de « transformer notre économie et nos sociétés » (Commission_européenne, en ligne s.d.) en vue de limiter l’impact des activités humaines sur l’environnement et d’adapter nos modes de vie à de nouvelles conditions environnementales (Guivarch, 2021). En pratique, les politiques envisagées concernent les secteurs de l’énergie et de l’industrie, de l’agriculture, de la gestion des territoires, du bâti (résidentiel et tertiaire), de la mobilité et de la consommation (biens et services).
L’exercice de la parenté (Héritier, 2019 [1981]) se situe également à la croisée de nécessités biologiques et des contraintes socialement instituées (Lévi-Strauss, 1986). Faire famille associe des questions de reproduction humaine à des manières de se solidariser, d’opérer des réciprocités et de transmettre des ressources matérielles et symboliques entre personnes qui se pensent comme des familles ou agissent en famille (Morgan, 2011 ; Weber, 2005, 2013). Segalen (1980) ou encore Goody (2000) ont déjà montré comment les transformations des secteurs de l’énergie et de l’industrie, de l’agriculture, de la gestion des territoires, du bâti (résidentiel et tertiaire), de la mobilité et de la consommation (biens et services) et du travail ont modifié la famille, en particulier au fil de la révolution industrielle. Plus généralement, l’histoire (e.g. Ariès, 1962), l’ethnologie (e.g. Godelier, 2004), la démographie (e.g. Lesthaeghe, 2011 ; Oris, 2003) et la sociologie (e.g. Segalen & Martial, 2019) ont mis en évidence par quels processus et dans quelles mesures, les continuités et changements du fait familial sont tributaires des évolutions du rapport qu’une société entretient à son environnement (Boudjaaba & Arrizabalaga, 2015 ; Godelier, 2004, ch. 1 ; Wauthier, 2022, ch. 1).
Le nouveau contexte environnemental constitue une hétérotopie de crise, propice à de nouvelles manières de se solidariser, d’organiser des réciprocités ou de transmettre. Dans cet entrelacs de conditions mouvantes se dessinent des parcours de vie (Hareven, 1978) mus par l’adhésion à des causes écologiques, la solastalgie ou l’éco-anxiété. Certains individus hésitent à faire des enfants (Dubus & Knibiehler, 2020 ; Iverson, Lindsay, & MacInnis, 2020) ; d’autres, animés par une vision plus ou moins positive du futur, se rassemblent en petites communautés néorurales ou se regroupent en habitats partagés en milieu urbain… Dans diverses parties du monde, l’adaptation des populations locales aux transformations de leur environnement a directement affecté des pratiques familiales, manifestant parfois une déstructuration des logiques traditionnelles de genre et de génération (Albrecht, 2005 ; Clavel, Guétat-Bernard, & Verger, 2022 ; Godelier, 2004).
Les évolutions du climat et de l’environnement (et les manières de les gérer) ont engendré, engendrent, et continueront probablement d’engendrer, une variété de terrains propices pour comprendre les processus de mutation et de reproduction des sociétés et des groupes sociaux (Crate & Nuttall, 2016 ; Izdebski & Mulryan, 2019) ; processus parmi lesquels la famille joue un rôle clé en tant qu’instance de reproduction biologique et sociale (Godelier, 2007), mais aussi en tant que lieu disruptif et d’agencements pratiques (Anne Attané, 2006 ; Crate, 2006 ; Martial, 2003, 2021 ; Wauthier, 2022 ; Weber, 2013).
Catégories de contributions attendues
Cet appel est ouvert à tous travaux en sciences sociales (histoire, géographie, sociologie, ethnologie, etc.) sans restriction méthodologique, concernant les continuités et changements de la famille face aux adaptations aux changements environnementaux ou aux limitations des impacts anthropogéniques sur l’environnement, pour tout territoire ou toute période, susceptibles de nourrir la compréhension des effets de la crise environnementale sur les manières de remplir les fonctions socialement attribuées à la famille.
Il peut s’agir de travaux concernant tous domaines de la parenté ou de la famille : formes de résidence, filiation, transmission, parentalité, solidarités alimentaires et énergétiques, soins intergénérationnels, reproduction, sexualité, attachement, économie domestique, rapports de genre, identité, terminologie de parenté et identité…
Ces thématiques s’articuleront à des questions environnementales (limitations des altérations anthropogéniques de l’environnement ou adaptations aux nouvelles conditions de vie), par exemple dans les domaines suivants (non exhaustif) :
- Logement : Habitats groupés versus dispersion géographique des familles : famille entourage (Bonvalet, 2003), réseaux affinitaires (E. D. Widmer & La Farga, 2016)
- Énergie : Frugalités, précarités ou adaptations des ménages (Bartiaux & Reátegui Salmón, 2014 ; Hirt, Sahakian, & Trutnevyte, 2022)
- Mobilité : Motilité des personnes et des biens (Fisch-Romito & Guivarch, 2019), promotion de la mobilité douce, pénurie de carburant et jeux de distanciations et de rapprochements entre membres d’une même famille (Kaufmann, Bergman, & Joye, 2004 ; Kaufmann & Widmer, 2005)
- Économie domestique, patrimoine, dettes et revenus (Anne Attané, Langewiesche, & Pourcel, 2004; Ekers & Levkoe, 2016; Knight, 2018; Matschoss et al., 2021) ; nouvelles articulations travail/famille liées à l’économie du partage, de plateforme, du recyclage, du télétravail… (Rifkin, 2019) ; hétérotopies familiales liées à de nouveaux modes de production ou de consommation (souveraineté économique, localisme vs globalisme, commerce, don et transmission, gestion de l’eau et des communs…)
- Territoire : Modifications anthropogéniques de l’environnement et des conditions de vie (Bureau-Point, 2021), émigration écologique, genres et générations (Cliggett, 2005), souverainetés agraire et alimentaire, gestion des communs (Ingold, 2018), urbanisme vert, politiques de réserves naturelles (Elie, 2017) ; permaculture (Centemeri, 2019) ; lutte contre l’étalement urbain (Hanin & al., 2021), protection de la biodiversité et de puits de carbone
- Alimentation : Production, partage et consommation de nourriture, circuit court… (Anne Attané, 2002 ; Clavel et al., 2022 ; Consalès, Guiraud, & Siniscalchi, 2022 ; Siniscalchi, 2019 ; Snikersproge, 2022).
- Numérisation des rapports sociaux : ce que le distanciel ou la résistance au numérique font aux liens familiaux intergénérations, et à la conjugalité (Bergström, 2019; Marquet & Janssen, 2012; Neyrand, 2015)
- Expériences communautaires : Collectivités décroissantes, survivalistes ou effondristes (Allard, Monnin, & Tasset, 2019)…
- Santé : Gestions de pandémies (confinements des familles, protection des personnes à risque, redéploiement du travail du care…) (Lambert & Cayouette-Remblière, 2021)
- Mouvements politiques, philosophies et visions (positives ou négatives) du futur : Ecoféminisme (Pruvost, 2021), décroissance, développement durable, effondrisme, capitalisme vert…
Des contributions méthodologiques discutant la difficulté à produire des connaissances à la croisée de différentes disciplines sont également bienvenues (Izdebski et al., 2016).
Comité scientifique
Eve Bureau-Point (Centre Norbert Elias/CNRS)
Laura Centemeri (Centre d’étude sur les mouvements sociaux/EHESS)
Natacha Collomb (Centre Norbert Elias/CNRS)
Agnès Martial (Centre Norbert Elias/CNRS)
Valeria Siniscalchi (Centre Norbert Elias/EHESS)
Pierre-Yves Wauthier (Centre Norbert Elias/EHESS)
Florence Weber (Centre Maurice Halbwachs/ENS)
Modalités de participation
La journée d’étude se tiendra à Marseille le 5 juin 2023.
Les propositions de communication sont à envoyer à pierre-yves.wauthier@ehess.fr au plus tard le 29 janvier 2023.
Les chercheur·es souhaitant contribuer sont prié·es d’envoyer un résumé d’environ 250 à 300 mots de leur contribution, en français ou en anglais. Ce résumé inclut comportera une courte bibliographie, une présentation claire des matériaux de recherche, 3 à 5 mots-clés, une note biographique (incluant un rattachement institutionnel et disciplinaire) ainsi que des coordonnées de contact les nom et prénom, pronom et adresse mail des communicant·e·s.
Après évaluation du comité organisateur, les résultats de la sélection des contributions seront diffusés vers le 28 février 2023.
Informations pratiques
- Dimanche 29 janvier 2023 - 23:00