Communiqué | Colloque « Sciences sociales en danger ? Pratiques et savoirs de l’émancipation »

16/03/2022
Une prise intellectuelle sur les conditions des pratiques de savoir est impérative, que ce soit dans les démocraties libérales ou dans les régimes autoritaires.
Plus particulièrement, c’est la connaissance des faits sociaux qui est aujourd’hui sur la sellette. Sa relation à la politique est remise en question de différents côtés, et exige aujourd’hui d’être clarifiée.
Du côté des pouvoirs d’abord, où le rôle qu’on assigne aux sciences sociales alterne trop souvent entre celui de simples outils au service de finalités qui n’ont rien d’éclairé, ou d’obstacles encombrants dont il conviendrait de se débarrasser.
Du côté de ces savoirs et de leurs praticiens ensuite, trop facilement assurés de la fonction d’émancipation qu’ils remplissent, sans se demander en quoi, dans les conditions actuelles du débat politique et social, cette émancipation consiste réellement.
Si les sciences sociales sont essentielles à la vie politique, il est impératif aujourd’hui de s’efforcer de dire en quoi. Les accusations dont elles ne cessent de faire l’objet (« islamogauchisme », « wokisme », mais aussi, dans d’autres régimes que les nôtres, sédition ou trahison d’État), exigent que l’on reprenne le problème dans sa globalité, et que, loin de se contenter d’une attitude défensive sur ce qu’on pense être évident pour tous, on reconstruise les raisons pour lesquelles la politique moderne ne peut pas se passer des lumières des sciences sociales.
Pour répondre à cette urgence, l’EHESS organise le colloque « Sciences sociales en danger ? Pratiques et savoirs de l’émancipation » les 23 et 24 juin 2022 au Campus Condorcet (Aubervilliers).
Les sciences sociales sont-elles en danger ?
Quatre débats répondront à cette question :
- Engagement dans les sciences sociales : contraintes et tensions dans le monde
- Les sciences sociales dans la cité : demandes publiques, contraintes, expertises
- Identités : objectivation, déconstruction et adresse
- Autorité et autonomie des sciences sociales : construire une communauté de pairs
Les sciences sociales sont-elles en danger ?
Le colloque, à destination du grand public et du monde de le recherche, répond ainsi à la question suivante, posée à chacun des intervenants : « À quelles conditions les sciences sociales, telles que je les pratique, ont-elles l’effet émancipateur qu’elles devraient avoir ? ».
4 débats internationaux
1. Engagement dans les sciences sociales : contraintes et tensions dans le monde
Les sciences sociales, en tant que savoirs critiques et émancipateurs, sont exposées aux tensions politiques des contextes où elles se produisent. Ces tensions varient selon les types de régimes, les régions, les conjonctures historiques ; elles se traduisent par certaines contraintes exercées sur le débat public et les conditions de la recherche et de l’enseignement. À partir d’une cartographie des situations, cette table-ronde identifie les enjeux auxquels les sciences sociales sont confrontées aujourd’hui.
2. Les sciences sociales dans la cité : demandes publiques, contraintes, expertises
Les sciences sociales sont dans un rapport intérieur à la cité qui justifie qu’on les interroge et qui fonde un certain nombre d’attentes légitimes à leur égard, que ce soit de la part des pouvoirs publics, des différentes parties de la société civile, des médias ou de l’opinion publique au sens le plus large. Ces mêmes attentes peuvent être émancipatrices lorsqu’un échange réflexif s’engage entre ces différents acteurs. Elles peuvent aussi tourner aux injonctions, et faire naître des contraintes qui menacent le libre déploiement de cette forme de savoir. Cette table ronde réunit des chercheurs et des chercheuses dont les expériences ou les recherches propres éclairent les bénéfices, mais aussi les risques et les ambivalences associés à cette implication dans la vie citoyenne.
3. Identités : objectivation, déconstruction et adresse
La fonction émancipatrice des sciences sociales les place dans un rapport à la fois essentiel et complexe aux identités individuelles et collectives de tout type. Par les procédures d’objectivation qu’ils mettent en œuvre, ces savoirs participent des pratiques réflexives par lesquelles les groupes se constituent et prennent conscience d’eux-mêmes, mais elles éclairent aussi les dynamiques d’individualisation qui les traversent, les conflits identitaires qui s’y accusent, les résistances et obstacles que rencontrent les identités nouvelles qui se construisent. Ce rapport analytique et critique aux identités représente aujourd’hui l’un des lieux polémiques les plus vifs, où le régime de connaissance des sciences sociales comme leur portée politique sont mis à rude épreuve. Cette table ronde décrit la façon dont ce lieu se configure, et peut être réinvesti en honorant les critères de scientificité propres aux sciences sociales.
4. Autorité et autonomie des sciences sociales : construire une communauté de pairs
Si les connaissances produites par les sciences sociales peuvent jouir d’autorité dans l’opinion, c’est qu’elles se soumettent à des règles méthodologiques, à des modes d’administration de la preuve et de validation des énoncés qui valent pour l’ensemble de la profession. Ces critères sont définis de façon autonome, tout comme l’est l’évaluation de leur mis en œuvre par domaine de spécialité. Cette évaluation n’en est pas moins publique, sujette comme telle à la controverse et à la contestation. Dans la situation actuelle, la discussion publique a néanmoins pris des formes très radicales, allant parfois jusqu’au refus de scientificité. Mais surtout, c’est au sein même de la corporation savante que de tels conflits se sont accusés. Se pose alors la question, au sein des sciences sociales, de la construction et de l’autorégulation des communautés de pairs. C’est ce problème que cette dernière table ronde aborde : les pratiques des savoirs de l’émancipation et les règles qu’elles s’appliquent à elles-mêmes doivent être réfléchies aujourd’hui à nouveaux frais.
Les intervenants au colloque : un comité scientifique ainsi que des chercheuses et chercheurs internationaux
Plusieurs chercheurs de différents centres se sont organisés en un groupe de travail à la demande de la Présidence de l’EHESS, pour décliner et analyser les dangers qu’encourent les sciences sociales aujourd’hui. Les réflexions et les travaux menés par ces derniers permettent aujourd’hui la mise en place d’un grand colloque public et ouvert à tous.
Ce comité scientifique a décidé de réunir des chercheurs d’universités et centres de recherches variés et internationaux. Parmi les établissements réunis, se trouvent l’Université libre de Berlin (Allemagne), l’EHESS, l’Institut de Technologie de la Géorgie (Etats-Unis), l’Université Emory (Etats-Unis), l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, l’Université du Pays-Basque (Espagne), l’Université d’Athènes, l’Université Paris-Nanterre, le CNRS, l’Université de Strasbourg, l’Université libre de Bruxelles, le Hunter College (Etats-Unis), l’Université de Rutgers (Etats-Unis), l’Université de Lille.
Le comité scientifique
Historien et politologue, directeur d’études à l’EHESS, membre du CETOBAC (Centre d'études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques).
Anthropologue, maîtresse de conférences à l'EHESS, membre du ANHIMA (Anthropologie et histoire des mondes antiques).
Sociologie politique, directrice d'études à l’EHESS, directrice du CERCEC (Directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen).
Philosophe, directeur d'étude à l’EHESS, membre du LIER-FYT (Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas).
Historienne de l’art, directrice d'études à l’EHESS, membre du CRAL-CEHTA (Centre de recherches sur les arts et le langage - Centre d'histoire et théorie des arts).
Enseignant à l'EHESS, membre du laboratoire Mondes Américains.
Sociologue, directrice de recherche au CNRS et directrice d'études à l'EHESS, membre du Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine (CECMC).
Contact presse
Audrey Rouy
06 14 12 66 35
audrey.rouy@ehess.fr