Devenir juifs : conversions et assertions identitaires en Inde et au Pakistan

SÉANCE CONJOINTE DES « DÉBATS DU CÉSOR » ET DU SÉMINAIRE « ACTUALITÉ DE LA RECHERCHE SUR L'ASIE DU SUD » 

Présentation

« L’an prochain à Jérusalem ! », scande un homme portant une kippa dans une synagogue de Karachi au Pakistan. Ses paroles sont répétées en chœur par les membres de sa communauté, un groupe comptant près de trois cents personnes qui s’autodésignent par l’expression ‘Bene Ephraïm’ (les « descendants d’Ephraïm ») et pratiquent le judaïsme depuis 2012. À l’abri des regards de leurs voisins musulmans et chrétiens, ces personnes qui pratiquaient autrefois le christianisme apprennent les rudiments du judaïsme en suivant les enseignements dispensés en anglais par des rabbins sur internet. Ces discours sont ensuite traduits en ourdou et partagés au sein de la communauté par le biais de groupes WhatsApp. Ceci n’est pas un cas isolé. De nos jours, en Afrique, en Amérique latine, en Océanie ou ailleurs en Asie, de nombreux groupes adoptent des pratiques religieuses juives, appropriations qui vont souvent de pair avec des revendications d’une origine israélite.

C’est aussi le cas en Inde, où plusieurs communautés christianisées se sont récemment tournées vers le judaïsme. Au début des années 2000, chez les Madiga, un groupe dalit d’Andhra Pradesh (sud-est de l’Inde), un ex-pasteur chrétien proclame dans ses écrits que les Dalits sont les descendants de tribus perdues d’Israël et affirme que sa communauté a été reléguée au statut d’intouchable par les Aryens après s’être rebellée contre la hiérarchie des castes. Dans une société où les vaches sont sacrées et où la crémation est la norme, il fait l’apologie des pratiques alimentaires et rituelles dalit : manger de la viande de bœuf et enterrer ses morts sont des pratiques qui deviennent des marqueurs d’une identité à la fois juive et madiga. Depuis les années 1990, ses disciples, qui ont pris également le nom de ‘Bene Ephraïm’, célèbrent des fêtes juives, fondent des synagogues, pratiquent la circoncision et certains militent même pour faire l’aliyah. Ce rêve d’un retour sur la terre « ancestrale » a été accompli par des Kuki-Chin-Mizo, des groupes tribaux du nord-est de l’Inde. Dans les années 1950, parmi ces groupes alors convertis au protestantisme, un visionnaire rêve d’un journal dans lequel figurerait « l’adresse d’Israël ». Ses disciples célèbrent shabbat, cessent de consommer du porc et entrent en contact avec des communautés juives en Inde et en Israël. Les pratiques rituelles des Kuki-Chin-Mizo qui se considèrent comme des « descendants de Menashe » (‘Bnei Menashe’) sont étroitement encadrées par des rabbins israéliens qui leur rendent visite en Inde depuis les années 1990. Près de cinq mille Bnei Menashe se sont en outre installés en Israël avec l’aide d’ONG dont la mission est de faciliter l’aliyah de juifs « perdus » ou « cachés » disséminés à travers le monde.

Comment des revendications d’une identité juive émergent-elles au sein de groupes christianisés au Pakistan et en Inde ? Comment ces communautés en marge des principaux centres du judaïsme acquièrent-elles une connaissance des rituels et des textes sacrés du judaïsme ? Par quels moyens affirment-elles leur judéité ? Quels types de relations ces « nouveaux juifs » nouent-ils avec leurs voisins hindous, musulmans et chrétiens et avec d’autres communautés juives plus ou moins proches ? C’est autour de ces questions que cet atelier proposera de dialoguer à partir d’un court métrage et de deux exposés dédiés à trois communautés juives « émergentes » d’Asie.
 

Programme

13h45 : Accueil des participants

14h : Présentation de la séance – Cécile Guillaume-Pey (Cesah) et Paul Rollier (CéSor)

14h15 : Yulia Egorova (Department of Anthropology, Durham University)
"Conversions and vernacular theologies of Judaism, Christianity and Islam in India"
Discutante : Aminah Mohammad Arif (Cesah, CNRS/EHESS)

15h : Jürgen Schaflechner (Department of Social and Cultural Anthropology, Freie Universität Berlin)
"In the Next Year", a documentary film about the “self-discovery” of a group of Pakistani Christians to Judaism in the city of Karachi 
Discutant : Sébastien Tank (CéSor, CNRS/EHESS)

15h45 : Pause-café

16h : Cécile Guillaume-Pey (Cesah, CNRS/EHESS)
"Between India and Israel. Circulation, traduction and uses of religious texts among the Kuki"
Discutant : Mathieu Claveyrolas (Cesah, CNRS/EHESS)

Anthropologie, Sociologie et sciences politiques Anthropologie culturelle Asie sud-orientale

Informations pratiques

Date(s)
  • Mardi 9 mai 2023 - 14:00 - 18:00
Lieu(x)
  • 5 cours des Humanités - Bâtiment de recherche sud, Campus Condorcet, salle 0.015.
Contact(s)
  • cecile.guillaume-pey@ehess.fr 
  • paul.rollier@ehess.fr
À consulter
À télécharger