
Comme on sait, la colonisation européenne des Amériques s’est faite par l’épée, le sang, la traîtrise, la peur. Elle s’est faite aussi par l’extermination « naturelle » causée par les maladies importées d’Europe. Mais elle n’aurait pas pu s’accomplir sans la colonisation de l’imaginaire. Comment autrement quelques milliers d’européens auraient pu gagner contre des millions d’Amérindiens ? Pourtant, la colonisation a dû faire face à bien de résistances, sous toutes ses formes, armée, administrative, idéologique. Dans cette confrontation, les drogues utilisées par les populations amérindiennes, transmises aux Noirs, aux Métis, aux sang-mêlé, ont joué un rôle non négligeable. Les colonisateurs ont bien essayé d’interdire la consommation du peyotl, de la coca et d’autres herbes magiques utilisées depuis longtemps par les populations amérindiennes, mais sans aucun succès. Malgré les interdits, malgré la répression, les Amérindiens et les populations métissées ont continué à consommer ces plantes qu’elles pensaient un don des dieux.
Programme
Carmen Salazar-Soler : « Coca et travail dans les entrailles de la terre : les mineurs du Pérou au XXe siècle »
À partir de l’analyse des données recueillies dans les mines de Huancavelica, sierra centrale du Pérou, cette communication se propose de réfléchir sur les différents sens que revêt la consommation de feuilles de coca dans le contexte du travail minier. Tous les matins les mineurs fument des cigarettes au soleil et préparent ensemble leur pichou : une boule de feuilles de coca enroulées autour d’un morceau de chaux, que l’on garde au creux de la bouche. C’est un moment essentiel de leur vie quotidienne, pendant lequel ils discutent de leurs problèmes, organisent leur journée de travail, se réchauffent avant de plonger dans les entrailles de la terre. Les mineurs affirment que la coca les prépare mentalement pour le travail, qu’elle les met en forme et qu’elle les encourage. Elle facilite aussi la communication avec l’esprit gardien de la mine, et son goût permet de prédire le déroulement de la journée de travail. Souvent consommées avec l’alcool, les feuilles de coca facilitent le passage entre le monde des hommes et le monde souterrain. Divers rituels qui incluent de l’eau-de-vie, de la coca et du sang animal permettent aux mineurs de domestiquer les dangers du monde de ténèbres.
Alessandro Stella : « La prohibition du peyotl par l’Inquisition de Mexico : un conflit entre mondes magiques »
« La plante qui fait les yeux émerveillés » (A. Rouhier, thèse de 1927) mais aussi stimulant coupe-faim, le peyotl a été interdit par l’Inquisition de Mexico en 1620, car sa consommation rituelle constituait une forme de mysticisme concurrent à celui de l’Eglise catholique. L’on découvre ainsi qu’à l’origine des politiques prohibitionnistes se trouvent non pas des préoccupations de santé, mais une condamnation religieuse et morale, et en définitive un rapport de pouvoir, l’exercice d’une domination politique et culturelle. Comme souvent, les populations amérindiennes ont répondu « sí, señor », et ont continué leurs pratiques, rituels et consommations, parfois avec des subtiles dissimulations.
Mike Jay : “A religion of our own: the adoption of peyote by the Plains tribes of the USA’”
The Native American peyote ceremony emerged and spread rapidly among the tribes during the era of forced captivity on the reservations. It drew on the forms of Protestant worship mandated by the dominant culture while also creating a distinctively Indian world beyond its reach. Its advocates, both Indian tribal leaders and western ethnologists, presented it as a companion rather than a rival to Christianity and stressed its medical and spiritual benefits. It became a focus for resistance to the US federal policy of assimilation and constituted itself as the Native American Church for its legal protection. During recent years it has expanded rapidly, and now claims over 250,000 members.
HistoireInformations pratiques
- Jeudi 13 juin 2019 - 17:00 - 20:00
- EHESS (Amphithéâtre François Furet) - 105, boulevard Raspail 75006 Paris
- vuckovic@ehess.fr