
Journée d’études organisée par Sebastian Veg, directeur d’études à l’EHESS, dans le cadre du programme ANR ChinaSpheres.
Les recherches sur la sphère publique ont longtemps été dominées par les concepts développés par Habermas, notamment ceux de société civile et de raison communicationnelle, qui semblent parfois peu adaptés à des contextes politiques autoritaires ou répressifs. La Chine, qui a été, tout au long du 20e siècle, et jusqu’à aujourd’hui, dominée par des régimes politiques qui ont contrôlé de façon plus ou moins stricte la liberté d’expression et la sphère de l’imprimerie et des médias, semblait ainsi peu susceptible de pouvoir développer une « opinion publique » au sens de Habermas.
Cependant, les régimes démocratiques traversent eux aussi aujourd’hui une période de doutes profonds sur la capacité des sphères publiques libérales à garantir une communication rationnelle entre différents discours politiques, que ce soit à cause d’un capitalisme trop peu régulé ou des problèmes spécifiques soulevés par les nouvelles technologies. Ces doutes tendent à remettre en question toute distinction trop radicale ou étanche entre le fonctionnement de différents types de sphères publiques.
Ainsi, il est indéniable que, en Chine, même sous la contrainte – celle du Parti nationaliste (KMT), ou du régime maoïste, ou encore sous le régime de contrôle mixte (par l’État et le marché) en vigueur actuellement –, une sphère discursive n’a jamais cessé de fonctionner, réductible ni au domaine purement privé, ni au simple contrôle de l’État. C’est ce domaine des sphères alternatives ou des contre-sphères qu’il s’agit d’étudier à l’aide d’études de cas abordant différents moments de l’évolution de la société chinoise au cours du dernier siècle.
On pourra notamment s’interroger sur la manière dont certains « contre-discours » deviennent publics et se diffusent à travers la société même dans un contexte de contrainte. Une première définition de la « publicité » s’appuierait alors sur trois dimensions: des discours ou des textes, les supports et les espaces où ils circulent et les réseaux d’auteurs et de lecteurs qu’ils constituent. Dans quels espaces ces discours se diffusent-ils et comment se définit leur caractère public ? Comment certains discours circulent-ils entre différents types de vecteurs (publications privées ou inofficielles, locales, et presse nationale ou de grande diffusion) ? Quelles pratiques économiques (le capitalisme d’imprimerie) ou désintéressées (les samizdat) sous-tendent-elles ces réseaux de diffusion ?
Cette journée d’étude tentera de confronter différentes approches disciplinaires, tout en introduisant des regards comparatifs avec d’autres contextes dans le temps et l’espace.
Aires culturelles Histoire intellectuelle Asie orientale
Informations pratiques
- Lundi 12 juin 2017 - 14:00 - 18:00
- EHESS (Salle 7.37) – 54 bd Raspail 75006 Paris
- veg@ehess.fr