Au travail en archives avec Gabriel Le Bras

Le nom de Gabriel Le Bras (1891-1970) résonne avec fréquence lorsqu'il s'agit d'histoire ou de politique des sciences sociales au vingtième siècle. Son parcours intellectuel et académique demeure cependant méconnu : figure de référence de la sociologie de la pratique religieuse, l'ampleur de son autorité institutionnelle est restée largement discrète, et presque insaisissable. Professeur d'histoire du droit canonique durant près de cinquante ans, à Strasbourg, puis à Paris, il joua dès 1944 un rôle décisif au sein du comité directeur du CNRS, en participant à la création du Centre d’Études sociologiques en 1946, comme à celui du Centre de politique étrangère du côté de la Fondation nationale des Sciences politiques ; surtout, il fut, en 1947-1948, avec Lucien Febvre, en tant que président de la Ve section de l’École pratique des hautes études (ÉPHE), le véritable parrain d'une VIe section de « sciences économiques et sociales » aux origines mêmes de ce qui allait devenir plus tard l’École des hautes études en sciences sociales (ÉHESS). Au total, ce parcours compose un genre de ministère invisible, où le droit, la science religieuse et la science sociale marchent en cadence, sinon main dans la main. La cohérence et la complémentarité institutionnelle ne résistent toutefois pas au temps et aux rapports de forces disciplinaires, ce qui explique pourquoi la mémoire savante de Le Bras est, en quelque sorte, segmentée, à la charnière du droit, de l'ecclésiologie, de la sociologie et des sciences politiques.
Ce n'est pas le cas en revanche de ses archives, dont l'intégrité et la complétude ont pu être préservées de manière exceptionnelle, correspondances et papiers d'affaires les plus ordinaires en apparence y compris. Afin de conserver la fragilité des passerelles sans cesse entretenues par Le Bras entre les réseaux et les disciplines, le fonds, donné à l'ÉHESS en 2011, et déposé aux Archives nationales en 2013, reste organisé selon la topographie de l'espace de travail ou de stockage de Le Bras. Ceci suppose donc un important traitement documentaire, afin de pouvoir envisager des recherches dans un ensemble archivistique de plus de 50 mètres linéaires. Une expérience d'envergure et inédite, susceptible de servir de précédent pour l'ensemble du département archives des sciences sociales du Campus Condordet, vise à transformer le traitement intellectuel et matériel du fonds en un vaste programme d'études interdisciplinaires : en croisant l'observation documentaire et l'analyse sociologique et historique de l'itinéraire de Le Bras et de ses réseaux académiques, ecclésiastiques et politiques, tout en prenant en compte les techniques du savant au travail, il s'agit d'examiner les sciences religieuses au travail des sciences sociales et des savoirs juridiques, entre les années 1920 et les années 1970. L’atelier proposé doit permettre, après deux rencontres (décembre 2018 et février 2020) de faire le point sur le travail accompli collectivement depuis plusieurs années et de dégager des perspectives d’avenir.

Liminaire : Le sens d’un projet collectif

1. Gabriel Le Bras en ses archives (Yann Potin)
2. L’organisation des sciences humaines et sociales
- Gabriel Le Bras, « ministre » des sciences humaines et sociales : discussion de la contribution de Thomas Hirsch, « Vers un “nouvel Adam”. L’enthousiasme savant de la Libération et les sciences humaines », Revue d’histoire des sciences humaines,37/2020, p/ 235-258 (Pierre Lassave)
- Gabriel Le Bras et le CNRS (Jean-Louis Halpérin)
3. L’Église dans son histoire
- La paroisse dans l’œuvre de Gabriel Le Bras, historien du droit canonique (Brigitte Basdevant-Gaudemet)
- Genèse et réalisation de L’église et le village (Dominique Iogna-Prat)
4. Le passeur de frontières
- Les rites et leurs sciences (Alain Rauwel)
- Épistémologie de la science canonique (Carlo Fantappiè)

Histoire Religieux

Informations pratiques

Chercheur(s):
Date(s)
  • Vendredi 4 novembre 2022 - 09:30 - 18:00
Lieu(x)
  • Archives nationales (59 rue Guynemer, 93380 Pierrefitte-sur-Seine, Métro Saint-Denis-Université, ligne 13)
À consulter