Catherine König-Pralong
Directrice d'études de l'EHESS
J’ai consacré mes premiers travaux à la philosophie médiévale, que j’ai approchée sous l’angle de la circulation des savoirs entre mondes gréco-arabes et scolastique latine. La théologie scolastique, ses efforts pour bâtir un empire doctrinal d’une part, les représentations laïques du savoir et de la société d’autre part, ont constitué les deux pôles de cette recherche. J’ai ensuite donné une coloration historiographique à mes travaux avec un projet, l’ERC-Co-Grant MEMOPHI, qui portait sur les constructions du moyen âge par les historiens de la philosophie modernes. Dans le prolongement de cette enquête, j’ai étudié la formation de l’histoire de la philosophie et l’institutionnalisation de cette discipline dès la fin du XVIIIe siècle, en reconstruisant ses entrecroisements avec les sciences naturelles, la linguistique, la géographie, l’ethnologie, l’anthropologie et l’histoire de la culture.
Ces enquêtes ont mis en évidence un ressort de la formation de la modernité. En Europe, à partir des Lumières, les historiens de la philosophie et de la culture élaborent des récits dans lesquels la rationalité analytique et réflexive est considérée comme le propre ou la culture de l’Europe. Dans le même mouvement, ils identifient d’autres ensembles socio-intellectuels, qu’ils désignent comme des « cultures » et perçoivent comme exotiques, archaïques, médiévales, hétérogènes (aux sens biologique et culturel) ou prémodernes, à l’instar de la sagesse chinoise, de la pensée sémitique ou des sociétés amérindiennes. Parallèlement, les parties du monde où sont situées ces cultures deviennent les terrains de savoirs empiriques européens, de la botanique à l’ethnologie, alors que l’Occident se construit et se réfléchit avant tout dans les savoirs théoriques : la philosophie, la psychologie, l’économie, puis la sociologie.
L’étude de ces territorialisations culturelles et disciplinaires qu’accompagnèrent, à l’âge moderne, une temporalisation des objets de connaissance et une historicisation des savoirs, s’inscrit dans le contexte d’une histoire interdisciplinaire des sciences de l’homme, de la culture et de la société sur la longue durée et dans une perspective globale.
Thèmes de recherche
- Histoire de la philosophie
- Histoire de l’histoire de la philosophie
- Historiographie des sciences humaines et sociales
- Histoire des disciplines et de l’interdisciplinarité (XVIIIe-XIXe siècles)
- Politiques du savoir (XVIIIe-XIXe siècles)
- Savoirs et rationalités scolastiques
- Anthropologie médiévale
Liste complète des publications
Choix de monographies
- La colonie philosophique. Écrire l’histoire de la philosophie aux XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 2019.
- Avec Mario Meliadò et Zornitsa Radeva (éds), The Territories of Philosophy in Modern Historiography, Bari-Turnhout, Pagina-Brepols, 2019. [en ligne]
- Avec Mario Meliadò et Zornitsa Radeva (éds), ‘Outsiders’ and ‘Forerunners’. Modern Reason and Historiographical Births of Medieval Philosophy, Turnhout, Brepols, 2018.
- Médiévisme philosophique et raison moderne. De Pierre Bayle à Ernest Renan, Paris, Vrin, 2016.
- Avec Ruedi Imbach, Le défi laïque. Existe-t-il une philosophie de laïcs au moyen âge ?, Paris, Vrin, 2013 [traduction italienne : La sfida laica. Per una nuova storia della filosofia medievale, Roma, Carocci, 2016].
- Le bon usage des savoirs. Scolastique, philosophie et politique culturelle, Paris, Vrin, 2011. [en ligne]
- Avec Iñigo Atucha, Dragos Calma et Irene Zavattero (éds), Mots médiévaux offerts à Ruedi Imbach, Porto, F.I.D.E.M., 2011.
- Avec Olivier Ribordy et Tiziana Suarez-Nani (éds), Pierre de Jean Olivi. Philosophe et théologien. Actes du colloque de Fribourg 24-25 octobre 2008, Berlin, W. de Gruyter (“Scrinium Friburgense”), 2010.
- Être, essence et contingence. Henri de Gand, Gilles de Rome, Godefroid de Fontaines Traductions et notes (303 p.), introduction et bibliographies (126 p.), Paris, Les Belles-Lettres, 2006.
- Avènement de l’aristotélisme en terre chrétienne. L’essence et la matière : entre Thomas d’Aquin et Guillaume d’Ockham, Paris, Vrin, 2005.