Guillaume Carré
Directeur d'études de l'EHESS
Thèmes de recherche
L’intégration des élites citadines par le pouvoir des guerriers
Les agglomérations japonaises de l’époque d’Edo auxquelles étaient reconnues le statut de ville n’étaient pas formellement gouvernées par des élites issues du monde de la bourgeoisie (commerçants et artisans), mais par des guerriers nommés par les autorités shogunales ou des fiefs ; les officiers bourgeois, représentants de la roture, leur étaient donc subordonnés et ne jouissaient que d’un pouvoir de décision réduit. De plus, ces représentants de la bourgeoisie n’avaient aucune autorité sur les territoires urbains occupés par les guerriers et qui formaient pourtant la majeure partie de l’espace citadin dans les cités les plus importantes du pays. Malgré tout, les institutions confiées aux bourgeois jouaient un rôle essentiel non seulement dans la gestion des villes et dans l’élaboration des législations urbaines, mais même parfois pour le fonctionnement des politiques économiques shogunale et seigneuriale. Cet axe de recherche se propose donc d’examiner, en particulier (mais pas exclusivement) à partir du cas du fief de Kaga, quel type de personnage était choisi dans la bourgeoisie par les dirigeants guerriers pour participer au gouvernement des villes et aux affaires des fiefs, le mode d’intégration de ces individus dans le système de pouvoir seigneurial et les bénéfices qu’ils en tiraient, le rôle des institutions tenues par des citadins roturiers, etc.
La monnaie, le pouvoir et les financiers à l’époque d’Edo
Un des facteurs principaux des profonds changements économiques qui bouleversèrent la société japonaise durant la période d’Edo fut l’édification par le régime des Tokugawa d’un système monétaire basé sur une émission nationale et non plus sur l’importation de monnaies chinoises comme durant le Moyen-Âge. Système complexe et portant la marque d’héritages historiques et d’usages sociaux multiples, utilisant plusieurs métaux précieux (or et argent), plus commun (cuivre), voire vils (fer) et même à certaines époques et dans certaines régions, conservant une valeur monétaire au riz ; comportant de la monnaie comptée et de la monnaie pesée, des monnaies locales et en particulier du papier-monnaie, à quoi il faut ajouter les perturbations entraînées par les dévaluations fréquentes à partir de la fin du XVIIe siècle. Même si le shogunat imposa son autorité sur les émissions monétaires de l’ensemble du territoire au cours du premier siècle du régime, le concours de la bourgeoisie, fondeurs et financiers, s’avéra indispensable pour l’émission et la circulation des valeurs. Une partie de la roture citadine était donc profondément impliquée dans la politique monétaire du shogunat, comme dans la politique financière des fiefs et c’est donc ce rôle de la bourgeoisie, soit au travers d’institutions directement liées à l’administration guerrière (Guildes de l’or, de l’argent ou des monnaies de cuivre), soit par le biais d’organisations professionnelles (corporations de changeurs), que cette recherche se propose de mettre en lumière.