
Julia Christ
Chargée de recherches au CNRS, Directrice adjointe du LIER-FYT
Julia Christ est philosophe, chargée de recherches au CNRS. Spécialiste de la théorie critique (Ecole de Francfort) elle a soutenu en 2013 une thèse sur la théorie de la société de Th. W. Adorno qu’elle reconstruit à l’aide des concepts de « règle » et de « jeu ». Cette reformulation lui a permis de dégager un concept de totalité sociale capitaliste, propre à la première théorie critique et proche de celle du structuralisme marxiste, qui la comprend comme un jeu au sein duquel les acteurs suivent, de manière inconsciente, des règles qui les constituent comme sujets d’action et de pensée mais qui leur sont indisponibles. Cela ouvre sur trois problématiques : au niveau de l’épistémologie celle de l’accessibilité des règles de la vie sociale aux acteurs et, sur cette base, pour la sociologie. Au niveau moral celle de l’universalité de règles dont la production est, du fait de la division du travail capitaliste, essentiellement contingente. Au niveau politique celle de la capacité des acteurs à s’approprier de manière réflexive les règles qui les constituent dans leur pensée et leur action et à y puiser, alors que leur statut moral même est mis en cause, des ressources pour articuler leurs jugements critiques. Ce travail a permis d’introduire une distinction nette entre des philosophies sociales (Habermas, Honneth) et des théories de la société (Marx, Adorno, Althusser), les derniers mettant en avant des formes de cohésion sociale négative (fétichisme, identification avec l’agresseur/culpabilité/dette, méconnaissance) là où les premiers s’attachent à dégager une dimension morale (justice, solidarité) du lien social. Le statut, voire la possibilité même de la critique immanente formulée par les acteurs, sont fortement affectés par la valeur que la théorie accorde à la cohésion sociale.