Neuf post-doctorantes et post-doctorants rejoignent l'EHESS en 2022-2023

Au terme de sa campagne de recrutement annuelle, l'EHESS a sélectionné neuf projets de post-doctorat, répartis en neuf mentions portées par neuf unités d'affectation, pour l'année 2022-2023.

Découvrez les parcours et sujets de recherche de nos post-doctorantes et post-doctorants.

 

Morgane Dujmovic – Mention « Perspectives infra-politiques sur les migrations »

« La frontière au prisme des récits migratoires invisibilisés : une recherche cartographique participative (France/ Italie, France/ Espagne) »

Chercheuse postdoc animée par les questions de migrations et de frontières, mes travaux sont ouverts à un ensemble de problématiques sociales, comme les mobilisations, les médias, la santé. Mes méthodes principalement qualitatives (combinant par endroits l'analyse quanti ou des méthodes mixtes) traduisent les cheminements de mon parcours académique. Après des études à Sciences po Lille, j'ai enseigné et écrit ma thèse en Géographie politique et sociale, à Aix-Marseille Université ; je suis à présent rattachée au Laboratoire d'Anthropologie Politique de l'EHESS.

Mon projet scientifique est attentif aux questions de participation à la recherche des citoyennes et citoyens, en particulier les personnes exilées que les politiques migratoires actuelles écartent du débat public. Ma démarche mobilise des méthodes de cartographie sensible, narrative, à hauteur d’individu ; de façon expérimentale, j’ai également engagé un dispositif mobile qui permet d’offrir un espace d’expression et de production scientifique dans des contextes frontaliers complexes, parfois violents. Ces recherches en cours nous amènent à la co-construction d’une installation itinérante et interactive, à même de susciter un dialogue entre les publics visiteurs et les co-auteurs / co-autrices.

Ce projet scientifique s’intéresse aux savoirs et représentations des personnes exilées qui sont invisibilisées en raison des conditions de leur migration vers l’Europe (irrégularité administrative, précarité des conditions de séjour). L’ambition théorique de ce projet est de repenser les frontières contemporaines en intégrant dans l’analyse les savoirs et représentations construits sur les routes de la migration. Comment ces récits invisibilisés peuvent-ils contribuer à la compréhension des réalités frontalières, et par quel dispositif de recherche peut-on permettre l’expression de ces récits ? Méthodologiquement, un dispositif mobile est mis en œuvre pour s’adapter aux spécificités des sites d’enquêtes. Des ateliers d’expression (carto)graphique sont organisés sur le terrain : aux frontières France/Italie et France/Espagne, et dans des lieux emblématiques de première ou seconde installation des personnes migrantes à l’intérieur des territoires (lieux d’hébergements associatifs, CHU, CFA, MFR). Dans un second temps, les ateliers consisteront à co-construire une exposition itinérante avec les personnes migrantes participantes. Cette installation a vocation à être présentée à plusieurs voix avec des co-auteurs et co-autrices exilées, auprès de partenaires associatifs et éducatifs, dans différents lieux d’enseignement et de recherche, dans des musées et lors de festivals.

 

Safia Dahani – Mention « Sociologie politique, sociologie des mobilisations, sociologie de la jeunesse »

« Sociologie de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) »

Safia Dahani est docteure en science politique (Lassp/Sciences Po Toulouse). On sujet de thèse s’intitule « Une institutionnalisation dans la tradition. Sociologie d’un parti patrimonial, le Front national », sous la direction d’E. Darras.
Mon projet vise à augmenter le stock de connaissances disponibles sur les organisations représentatives étudiantes, en prenant pour objet la sociologie des dirigeantes et dirigeants de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage). Organisation peu étudiée, à l’instar des organisations représentatives marquées à « gauche » de l’espace politique et partisan, la Fage est une organisation complexe qui fédère associations de filières et disciplinaires. Mon projet vise à étudier les trajectoires de ses dirigeantes et dirigeants.

 

Katharina Grüneisl – Mention « Anthropologie de la Mondialisation »

« Don, rejet et valorisation : évolution des pratiques matérielles et transformation de l'économie de la fripe entre la France et la Tunisie pendant la pandémie »

Titulaire d’un master en politiques urbaines de Sciences-Po Paris et de la London School of Economics et d’un doctorat en géographie de l’Université de Durham, Katharina Grüneisl a exercé pendant plusieurs années en tant que professionnelle du développement urbain pour l’agence de développement allemande GIZ et la branche planification urbaine d’ONU-Habitat en Tunisie, en Égypte et au Kenya. Avant de rejoindre l’EHESS, Katharina était post-doctorante à l’Université de Leipzig et chargée de la coordination d’un groupe de recherche interdisciplinaire sur les inégalités et mobilités au Maghreb contemporain.

Ce projet de post-doctorat étudie la manière dont la pandémie de Covid-19 a impacté l’économie mondiale du rebut et de la récupération en mettant l’accent sur les flux de matériaux de seconde-main entre la France et la Tunisie. Le projet examine les pratiques de rejet et de consommation pour comprendre comment l’expérience vécue de la pandémie – et surtout des périodes successives de confinement – a modifié le traitement des objets et des vêtements usagés par les ménages français et tunisiens. Au lieu de se focaliser sur l’analyse de la ‘production mondiale’ dans un sens classique, cette recherche attire ainsi notre attention vers des processus de redistribution mondiale, à travers le don et la mise en rebut dans le pays d’origine (France) et à travers la valorisation et la revente dans le pays destinataire (Tunisie). De plus, en examinant ce qu’a souvent été décrit comme une “shadow economy” (« économie invisible ») (Brooks 2015) à cause d’une absence de statistiques d’importation ou de consommation fiable, le projet offre une étude ethnographique des cultures du rejet et de consommation en mutation. En mettant l’accent sur les pratiques culturelles quotidiennes pour examiner les transformations dans l’économie de seconde-main, cette recherche combine un intérêt anthropologique pour les cultures matérielles avec une sensibilité géographique pour les jeux d’échelles qui révèlent comment les pratiques quotidiennes influencent les dynamiques contemporaines de la mondialisation.

 

Nicola Manghi – Mention « Anthropologie de la mondialisation et sciences sociales »

« Political Spaces in the Age of Global Warming »

License en Relations Internationales (Université de Trento, 2014)
Master II en Anthropologie culturelle et ethnologie (Université de Turin, 2017)
Master I en Comparative Law, Economics and Finance (International University College of Turin, 2017)
Doctorat en Sciences psychologiques, anthropologiques et pédagogiques (Université de Turin, 2021)

Mon projet de recherche porte sur l’île de Kioa, aux Fidji. En 1946, cette île a été achetée par la population de l’île de Vaitupu (Tuvalu) et elle est habitée depuis 75 ans par les descendants des colons originaires de Vaitupu. Les Vaitupuans avaient acheté Kioa dans l’espoir d’en faire un site pour des projets agricoles rentables, afin de favoriser le développement de leur île natale. Cependant, aujourd’hui, alors que tout le pays est désormais confronté au risque de disparition en raison de la montée du niveau de la mer causée par le réchauffement climatique, certains considèrent Kioa comme un site potentiel pour la relocalisation des Tuvaluans. Le but empirique de ma recherche est d’écrire une histoire contemporaine de Kioa. Alors qu’un certain nombre d’auteurs – tuvaluans et non tuvaluans – ont écrit sur le moment de l’achat de Kioa et de l’installation initiale du contingent de Vaitupuans, et qu’au niveau académique les débats tournent maintenant autour des scénarios de relocalisation, l’histoire de la communauté contemporaine de Kioa reste peu considérée de ces débats. En outre, Kioa peut servir de cas d’étude pour favoriser une enquête théorique sur les espaces politiques contemporains : propriété collective du peuple de Vaitupu et pourtant partie du territoire souverain des Fidji, Kioa échappe à la dichotomie rigide entre « privé » et « public », et se présente comme une un espace politique virtuel dans l’interstice entre les juridictions de deux États souverains.

 

Inès Pasqueron de Fommervault – Mention « Femmes et genre en Afrique »

« Résistances (ré)créatives. Contre-pouvoir des sociabilités féminines en Tanzanie : une approche comparée »

Mes travaux actuels interrogent les contre-pouvoirs utopiques des univers féminins à partir d’une étude comparée menée dans différents villages de Tanzanie. Dans ce contexte, il apparait que les espaces de sociabilité féminine sont parfois créateurs d’autres espaces : des sociétés utopiques au sein desquelles les villageoises imaginent un ailleurs où les normes pourraient être autres. Le rire, l’humour, la rêverie et plus largement l’imaginaire représentent en ce sens des langages privilégiés via lesquels les femmes s’autorisent à renégocier leur identité et osent repenser les rapports de pouvoir. Palliant l’absence d’une liberté expressive consacrée, ces communications utopiques pourraient traduire des actes de résistance « (ré)créatifs » : formes subtiles de protestation contre l’ordre social. Je me demande jusqu’à quel point elles sont révélatrices des ruses, des stratégies de subversion élaborées par les femmes pour s’exprimer, et exister, au-delà des lourdes contraintes imposées par le genre. En envisageant ainsi l’individuation des femmes africaines -en termes d’utopies ordinaires- cette recherche invite à reconsidérer leur marge de pouvoir et de liberté, nuançant par là-même l’idée de victimisation et de passivité qui leur sont encore trop souvent attribuées.

 

Sergei Fediunin – Mention « Penser le politique au prisme des guerres et des révolutions (XVIIe-XXIe siècles) »

« Repenser les enjeux politiques au prisme du nationalisme et de la guerre : le cas de la Russie »

Jules Sergei Fediunin est politiste, spécialiste des idées politiques et de l’espace de l’ex-URSS. Après avoir été diplômé de la Higher School of Economics (Moscou) et de l’ENS de Lyon, il a travaillé sur une thèse de doctorat consacrée aux dynamiques nationalistes dans la Russie contemporaine. Sa thèse, soutenue à l’Inalco en décembre 2021, analyse le nationalisme comme une ressource puissante à double usage : il s’agit à la fois d’une source d’affermissement d’un régime autoritaire et de l’État que ce régime prétend incarner et d’un moyen de contestation de l’ordre établi.

Son projet de recherche vise à explorer le concept de nationalisme de guerre dans les conditions du XXIe siècle. À cette fin, il s’appuie sur le cas de la guerre russo-ukrainienne, mais aussi sur des recherches historiques et comparatives. Le « nationalisme de guerre » fait référence à la fois au nationalisme en temps de guerre – dans ses expressions politiques ou quotidiennes, élitaires ou populaires – et au nationalisme en tant que source, corollaire et méthode de guerre.

Le projet s’appuie sur l’étude du cas de la Russie contemporaine, tout en cherchant à ouvrir des perspectives comparatives avec d’autres cas d’études dans le monde. D’une part, il entend répondre à la question suivante : comment l’État russe a-t-il instrumentalisé la rhétorique nationaliste dans le contexte de la guerre en Ukraine ? D’autre part, il contribue à repenser les rapports complexes entre les deux phénomènes majeurs de la modernité politique que sont la guerre et le nationalisme.

 

Marie Walin – Mention « Histoire du corps, des pratiques corporelles et des sexualités »

« À propos de la "crise de la masculinité". Historicisation et approche critique du concept à partir du contexte de fin-de-siècle dans les pays occidentaux »

Ancienne élève de l’ENS de Lyon, où elle obtient un master en Histoire moderne et contemporaine, sous la direction de Jean-Philippe Luis pour ses mémoires sur l'histoire des masculinités en Espagne au XIXe siècle, elle est reçue au concours de l’Agrégation externe d'Histoire en 2014. Elle rejoint par la suite Toulouse II et l’Université d'Auvergne dans le cadre d’un doctorat contractuel avec mission d'enseignement. Elle est lauréate de l'aide à la mobilité à la jeune recherche de l'Institut du Genre, en 2017 et membre de la Casa de Velázquez les deux années suivantes (2017-2019). Professeure agrégée d’histoire, elle soutient sa thèse le 3 décembre 2021, intitulée « Savoirs sur l'impuissance sexuelle en Espagne, années 1780-1910. Contribution à une histoire de l'hétérosexualité.", thèse réalisée sous la direction de Mme Sylvie Chaperon (Université Toulouse II) et M. Jean-Philippe Luis († Université d'Auvergne) », accédant ainsi au titre de docteure en Histoire qualifiée en sections 22 et 14. Elle rejoint l’université de Potiers en 2021-2022 en tant qu’ATER en Histoire contemporaine.

Son projet de recherche post-doctorale part des discours étudiés dans ma thèse sur l’impuissance sexuelle qui, à la fin du XIXe siècle, déplorent la perte de virilité des hommes espagnols et la rendent responsable du déclin de la nation sur la scène internationale. Partant du constat de la coexistence de discours similaires dans d’autres pays occidentaux (France, Angleterre, Italie, Allemagne et États-Unis), l’objectif est d’interroger la réalité de cette « crise de la masculinité » au regard notamment de l’expansion coloniale et impérialiste occidentale dans le monde, et de mettre en évidence les usages politiques de ces discours de crise. Comme l’a montré l’historiographie sur les masculinités, et en premier lieu George Mosse dans son travail pionnier sur le nazisme, mais aussi l’historiographie du franquisme, la peur de la « dégénérescence » et du brouillage des frontières entre les genres a été largement exploitée par les rhétoriques fascistes affirmant l’avènement d’un « homme nouveau ».

 
Pierre-Yves Wauthier – Mention « Procréation, parenté et parentalités : reconfigurations des liens familiaux, politiques publiques et pratiques institutionnelles »

« Le fait familial à l’heure des politiques de Transition écologique : nouvelles dynamiques d’évolution ? »

Pierre-Yves Wauthier est titulaire d’une maîtrise en anthropologie sociale (UcLouvain) et d’un doctorat en sciences de la société, sociologie (cotutelle : Unige - UcLouvain).

Histoire, anthropologie et sociologie ont montré les liens entre les changements environnementaux, sanitaires, économiques, politiques, religieux et scientifiques et les évolutions de la parenté dans différentes sociétés. Aujourd’hui, conformément au New Green Deal européen, les 27 pays de l’UE opèrent une Transition écologique à travers un ensemble de mesures nationales destinées à limiter l’impact des activités humaines sur l’environnement et à adapter les modes de vie des territoires en mutation. En quoi ces changements peuvent-ils affecter les dynamiques de parenté contemporaines et les fonctions socialement attribuées à la famille ? Ce projet postdoctoral se consacre à l’analyse prospective, comparative et systématique des plans de Transition publiés par les gouvernements de trois pays francophones européens (Belgique, France, Suisse) mettant en évidence leurs liens avec la parenté pratique dans ses dimensions géographiques (famille-entourage, familles transnationales…), temporelles (cycles et parcours conjugaux et familiaux, filiations…) et économiques (articulation travail-famille, précarité énergétique, coût du logement…).

 

Alessia Zubani – Mention « Les sociétés de l’Islam médiéval : pouvoirs, échanges, cultures matérielles (VIIe-XVIe siècles) »

« Pouvoir et techniques dans les sociétés islamiques médiévales (VIIe-XIIIe siècles) »

Alessia Zubani est titulaire s’un doctorat en études iraniennes (EPHE-PSL, 2016-2020). Elle a rédigé sa thèse sous la direction de Antonio Panaino (Université de Bologne) et Philip Huyse (EPHE-PSL), et la co-direction de Samra Azarnouche. Elle rejoint l’université de Bologne (campus de Ravenne) en 2021 dans le cadre d’un post-doctorat. En 2021–2022, elle est post-doctorante au Labex Hastec, EPHE-PSL, associée au laboratoire Archéologie et hilologie d’Orient et d’Occident (AOROC - UMR 8546).

Son projet explore l’entrelacement entre technique et politique dans les sociétés islamiques médiévales. À travers l’étude de la place réservée aux dispositifs mécaniques dans l’environnement aulique, il propose une approche transdisciplinaire visant à repenser l’interaction entre la technologie, la culture artistique-matérielle et les processus de formation des idéologies politiques entre l'Antiquité tardive et le Moyen Âge. Ce faisant, le projet se penche sur la circulation des savoirs scientifiques et technologiques entre les mondes hellénistique et perse et les sociétés islamiques médiévales, un sujet jusqu’ici largement négligé.

 

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