Portraits de Margherita Arcangeli et Caroline Cunill, nouvelles maîtresses de conférences à l'EHESS

À l'issue de l'Assemblée électorale de l'EHESS du 19 septembre 2020, ont été élues sur les deux postes ouverts à la Maîtrise de conférences :
- Margherita Arcangeli, "Théories et pratiques de l'imagination. Philosophie et sciences sociales"
- Caroline Cunill, "Polyphonie dans les archives de l'empire hispanique: acteurs amérindiens dans la production, la circulation et les usages de l'écrit (Mexique XVI-XIXème siècle)"
Nous souhaitons la bienvenue à ces nouvelles collègues, que nous vous invitons à découvrir dans les portraits ci-dessous.
Margherita Arcangeli – Chaire « Théories et pratiques de l'imagination. Philosophie et sciences sociales »
Ma passion pour la philosophie est née pendant mes études classiques au lycée Agli Angeli à Vérone, mais c’est en 2003 que j’ai véritablement commencé mon parcours philosophique. Diplômée en philosophie à l’université de Rome-III (licence en 2006, master en 2008), j’ai obtenu mon doctorat (2011) à l’Institut Jean-Nicod (IJN) et à l’Université Pierre et Marie Curie sous la direction de Jérôme Dokic. Après mon doctorat, j’ai été postdoctorante : à l’IJN au sein du projet ANR « La fiction dans l’émotion » ; à l’Université de Genève (au Centre Interfacultaire en Sciences Affectives et au Département de Philosophie), en qualité de boursière d’excellence de la Confédération suisse ; à l’Université Humboldt de Berlin, en tant que Humboldt Research Fellow et à l’EHESS au sein du projet ANR « Le sublime et les expériences esthétiques ».
L’imagination est l’un des sujets centraux de ma recherche. Il s’agit d’une capacité mentale souvent invoquée dans la tradition philosophique et, au-delà de la philosophie, l’imagination a éveillé notre attention dans les arts comme dans les sciences. L’imagination s’avère être un objet interdisciplinaire par excellence et c’est le fait que l’imagination occupe cette place privilégiée au carrefour des différents domaines de connaissance et disciplines qui m’a fascinée et poussée à l’étudier. Mon programme de recherche vise à développer une analyse approfondie de l’imagination en tant que capacité de re-créer (modifier, simuler) des états mentaux non imaginatifs (tels que la perception et la croyance), en répondant à des questions comme : qu’est-ce qui fait qu’un état mental est un état de l’imagination ? Quel est l’éventail des figures de l’imagination ? Quel est le rapport entre imagination et créativité ? Ces questions ont des répercussions très importantes pour, au moins, deux pratiques qui font appel à l’imagination, à savoir la fiction et les expériences de pensée (une typologie d’expérience qui n’est pas conduite dans des laboratoires « réels » mais dans le « laboratoire de la pensée »). Ces pratiques font l’objet de deux axes spécifiques de mes recherches, dont le but est d’éclairer leur nature sur le plan théorique mais aussi expérimental. Le caractère essentiellement interdisciplinaire de mon projet trouve naturellement sa place à l’EHESS.
Caroline Cunill – Chaire « Polyphonie dans les archives de l'empire hispanique : acteurs amérindiens dans la production, la circulation et les usages de l'écrit (Mexique XVI-XIXème siècle) »
Les recherches menées dans le cadre de mon doctorat, soutenu à l’Université de Toulouse, ont porté sur l’institutionnalisation de l’office de défenseur des Indiens dans l’Empire hispanique au XVIe siècle. Pour comprendre ce processus, j’ai examiné les discours des acteurs – espagnols, métis ou amérindiens – favorables à la présence de représentants légaux des peuples autochtones dans les tribunaux et les motivations politiques qui poussèrent le Couronne espagnole à mener à bien à un tel projet.
La façon dont les peuples autochtones ont participé à la construction de la culture légale de l’empire hispanique se trouve également au cœur de mes recherches. Au cours du postdoctorat que j’ai réalisé à l’Instituto de Investigaciones Históricasde l’Université nationale autonome de Mexico, je me suis donc intéressée aux interprètes des langues autochtones chargés de traduire les déclarations et les documents présentés par les Indiens devant les juges de l’Audience de México et le gouverneur du Yucatan. Cette réflexion sur les enjeux de la médiation linguistique dans le domaine de la justice a donné lieu à la publication d’un ouvrage collectif coordonné avec Luis Miguel Glave Testino.
À l’EHESS, j’ai pour objectif d’analyser le fonctionnement des archives de l’empire hispanique. Pour examiner la pluralité des voix qui dialoguent dans les archives des villages indiens, des capitales vice-royales et de la métropole, j’entrecroiserai les approches institutionnelle, sociale et philologique de ces « lieux de mémoire », de leurs acteurs et des discours qui y furent produits et conservés. Je m’intéresserai aussi à la façon dont certains documents en langues autochtones furent retirés des communautés où ils avaient été écrits et circulèrent au sein de réseaux internationaux de spécialistes à partir du XIXe siècle. Mon travail se nourrira des réflexions menées à l’École sur les archives d’autres espaces impériaux et, plus généralement, sur les pratiques lettrées dans une perspective comparative et transdisciplinaire.