"Récupération", projet lauréat 2022 - AAP Camargo/EHESS
Un projet de Clara Lecadet (LAP) avec les artistes Dread Scott et Jenny Polak

Depuis 2020, l’EHESS et la Fondation Camargo s’associent pour proposer chaque année deux bourses de résidence à la Fondation Camargo – dans le cadre d'un appel à projets – réunissant un artiste (résidant impérativement à l’étranger) et un chercheur en sciences sociales.
Projet Lauréat 2022, "Récupération" de Clara Lecadet (IIAC - LAP - Laboratoire d'anrhopologie politique) avec les artistes Dread Scott et Jenny Polak vise à créer une performance artistique publique et une présentation muséale utilisant l’héritage architectural de la traite négrière à Marseille comme contexte et toile de fond. Il attirera l’attention d’un large public sur les questions soulevées par les politiques migratoires postcoloniales contemporaines et leurs racines historiques, en les liant à un nouveau récit.
Des sites spécifiques liés à la traite négrière, animés par des banderoles et des projections de grande taille, constitueront une plate-forme pour trois réunions publiques, créant un dialogue en temps réel et un écho entre l’histoire coloniale et les luttes actuelles des sans-papiers et des associations d’expulsés en Afrique.
Le temps de résidence à la Fondation Camargo sera consacré au travail de planification de l’événement afin établir tous les liens nécessaires avec les institutions intéressées et les réseaux militants à Marseille et en Afrique.
Dread Scott et Jenny Polak prévoient de filmer et dessiner le déroulement des performances publiques, puis ensuite en présenter les enregistrements, les banderoles et les dessins de grand format dans une galerie d’art marseillaise lors du festival Allez-Savoir 2024.
Présentation des lauréats :
Clara Lecadet, Laboratoire d'anthropologie politique - LAP (EHESS/CNRS)
Titulaire d’un doctorat d’anthropologie sociale et d’ethnologie portant sur les formes de regroupement et les mobilisations collectives des migrants expulsés au Mali (EHESS, 2011), Clara Lecadet est anthropologue, chargée de recherche CNRS.
Ses recherches portent sur l’émergence d’un mouvement de protestation propre aux expulsés en Afrique et sur les formes que prenne leur organisation dans la période post-expulsion. Il s’agit plus généralement d’envisager l’histoire des politiques et des pratiques d’expulsion vis-à-vis des étrangers, comme l’instrument radical de la distinction entre citoyens et étrangers dans les pays occidentaux mais aussi comme des facteurs de transformation sociale et politique dans les pays de renvoi des immigrés. Elle est membre du programme « Air Deportation Project » (2017-2022), soutenu par le Conseil de Recherches en Sciences Humaines (CRSH) du Canada, dirigé par W. Walters (Université Carleton),
Ses travaux s’intéressent également à la question de la politisation des réfugiés à l’intérieur des camps et à la façon dont celle-ci tend à être occultée dans l’histoire des camps de réfugiés administrés par le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Un projet de recherche autour des archives du HCR à Genève vient en appui à cette réflexion.
Dread Scott est un artiste visuel dont les œuvres sont exposées à travers les États-Unis et à l’étranger. En 1989, son art a été au cœur d’une controverse nationale portant sur son utilisation transgressive du drapeau américain, alors qu’il était étudiant à la School of the Art Institute de Chicago. Le président G.H.W. Bush a parlé de « disgrâce » pour qualifier son art et l’ensemble du Sénat américain a dénoncé et interdit cette œuvre. Scott a été visé par un arrêt historique rendu par la Cour suprême, après que lui et d’autres ont défié la loi fédérale interdisant son art en brûlant des drapeaux sur les marches du Capitole des États-Unis. Il a fait un TED Talk à ce sujet.
Son travail a été inclus dans des expositions au MoMA PS1, au Walker Art Center, à la Cristin Tierney Gallery et à la Gallery MOMO au Cap, en Afrique du Sud, et fait partie de la collection du Whitney Museum et du Brooklyn Museum. Il a été John Simon Guggenheim fellow en 2021 et a également reçu des bourses de l’Open Society Foundations and United States Artists et de Creative Capital.
En 2019, il a présenté Slave Rebellion Reenactment, un projet ancré dans la communauté reconstituant la plus grande rébellion d’esclaves de l’histoire des États-Unis. Le projet a été présenté dans Vanity Fair, The New York Times, par Christiane Amanpour sur CNN et désigné par artnet.com comme l’une des œuvres d’art les plus importantes de la décennie.
Jenny Polak utilise des matériaux familiers pour créer un art, des dessins, des installations et des objets commémoratifs tournés vers un engagement public et communautaire. Ses travaux sur l’architecture, sur l’histoire familiale de la migration, et ses collaborations avec les membres de communautés directement affectées structurent des projets sur l’abolition de la prison et l’empowerment communautaire face à des autorités hostiles. Avec de l’encre, des matériaux de construction, des tissus recyclés et de la céramique, le travail de Polak relie les luttes continues pour la justice aux rêves domestiques. Ses projets célèbrent et provoquent la résistance - à l’expansion des prisons, à la violence frontalière et à l’alarmisme qui les alimente. Son art active les sites où il est vu et élève la vision des participants.
Polak est diplômée en architecture et en art. Elle a été boursière au Whitney Independent Study Program et a exposé aux États-Unis et au Royaume-Uni. Son travail a reçu le soutien de Creatives Rebuild NY, Socrates Sculpture Park, NYFA, la Graham Foundation for the Advanced Study of Visual Art et Franklin Furnace, et a fait l’objet de résidences à la Fondation Camargo, à l’Université de Northwestern, au musée de Newark et au Conseil culturel de Lower Manhattan.
Dread Scott et Jenny Polak sont des artistes individuellement connus pour leur travail politiquement et socialement engagé, qui relie les questions d’oppression et de résistance dans l’histoire avec le présent. Ils ont collaboré sur différents projets, parmi lesquels « The Great Unconformity », créé lors d’une résidence dans le parc national du Grand Canyon, et plus récemment « Passes » - une série de lithographies expérimentales et de peintures à l’encre qui explorent l’intersection entre l’héritage de la traite des esclaves en France et la migration actuelle de l’Afrique vers l’Europe.