Avec Bolsonaro, Erdogan, Poutine, Orbán ou Trump, le retour des « hommes forts » confronte notre actualité à une réalité qui semblait appartenir au passé : le populisme. D’autant que parallèlement, pour une partie de la gauche, inspirée notamment par les travaux d’Ernesto Laclau et de Chantal Mouffe, le tournant populiste apparaît comme une solution pour mobiliser les électorats populaires en voie de désaffiliation, et construire des alternatives politiques. Dans l’un et l’autre camp, la définition même du concept s’est imposée comme un enjeu politique. Polémique, polysémique et labile, la catégorie de « populisme » recouvre un ample éventail de discours, de pratiques et de configurations politiques, dans une longue durée qui commence par la revendication du principe de souveraineté du peuple ou de la nation au cours du XVIII^e siècle.

L’exaltation d’une image idéalisée de la nation a régulièrement accompagné la revendication d’un pouvoir providentiel capable de sauver la nation de ses ennemis, mais aussi de ses divisions internes, en dépassant les antagonismes sociaux et les clivages politiques entre la droite et la gauche. Un tel discours s’appuie sur une rhétorique insistant sur la corruption des élites face au sens commun du peuple, dont le leader serait le seul porte-parole.

Fondés généralement sur l’imaginaire d’un lien affectif entre le chef et les masses, les populismes construisent des formes de représentation spécifiques, souvent hostiles à la démocratie représentative et à ses processus délibératifs…