"Crise, conjoncture et biopolitique d'en bas"
par Ranabir Samaddar, politologue

Dans le cadre de son séjour à Marseille (chaire EHESS/Iméra - Etudes transrégionales // programme de recherches "utopies nécessaires"), Radamir Samaddar - directeur du Calcutta Research Group et titulaire de la chaire EHESS/Iméra en études transrégionales (2022-23) - propose 2 demies journées d'atelier les 19 et 20 juin 2023 sur la crise, la conjoncture et la biopolitique d’en bas.
Une théorie de la crise ne suffit pas à donner un sens au désordre actuel et à l’anarchie, qui ressemblent déjà à une condition de chaos. Dans ce contexte, il est important de réfléchir en termes de corrélation des forces au moment d’une crise, de la conjoncture des événements et des forces, de la simultanéité ou de la quasi-simultanéité des événements, et donc de la manière dont la contention se matérialise et de la situation de rupture qui en résulte. Le thème de la crise et de la conjoncture nous aide à mieux comprendre l’histoire contemporaine des conflits coloniaux et postcoloniaux ainsi que certaines narrations du passé moderne lorsque le capitalisme a vu le jour.
Ces narrations nous parlent (a) des réponses politiques des classes inférieures lorsque le capitalisme a commencé, que Marx a qualifié d’« accumulation primitive », (b) de la constellation particulière des révoltes à l’époque coloniale, notamment dans la phase connue sous le nom de décolonisation, et enfin, (c) de la façon dont « le peuple » émerge en tant que catégorie gouvernementale moderne à l’époque postcoloniale. Dans ce contexte de crise et de conjoncture, nous sommes maintenant témoins d’un phénomène qui est au cœur de la question de la crise dans la procédure libérale de gouvernance.
Il s’agit du phénomène de la « biopolitique d’en bas », qui ne peut être compris et historiquement situé que dans le contexte d’une crise et d’un moment de conjoncture. Gouverner la vie avec diverses procédures apparaît dans l’histoire du pouvoir comme un réservoir central d’expériences de gouvernance et d’art de gouverner. La vie doit être productive et les gouvernements peuvent fonctionner sur la base d’une vie stable. Mais que se passe-t-il lorsque la vie est confrontée à une crise, comme c’est le cas dans de nombreuses régions du monde où les conditions de vie semblent instables ? De telles conditions, nous le verrons, peuvent engendrer une politique de la vie inattendue.
Basé sur les expériences indiennes, cet exposé vise à explorer la question de la biopolitique d’en bas dans le contexte des gouvernements confrontés à des crises, notamment à l’époque néolibérale. La présentation tournera autour de deux thèmes : (a) le contexte spécifique de multiples crises – la récente crise épidémiologique, la crise financière et la crise politique conduisant à une crise de la vie, et (b) en réponse à cette conjoncture, le phénomène de la « biopolitique d’en bas ». Il montrera pourquoi seule dans des moments spécifiques de crise et de conjoncture, la biopolitique d’en bas se matérialise en tant que phénomène.
La biopolitique d’en bas reconfigure nos notions de soin, de protection, de responsabilité et de solidarité. Les traces de cette politique apparaissant momentanément à la suite d’une crise peuvent sembler être des utopies, mais elles sont, pour utiliser une expression étrange, des « utopies nécessaires ».
Dates et lieux :
19 juin dans les locaux de l’EHESS - Centre de la Vieille Charité - 2, rue de la Charité, 13002
20 juin à l’Iméra - 2 place Leverrier, 13004
Entrée libre dans la limite ds places disponibles