Recherche, expertise, décision : de quelle manière élaborer une politique envers la Chine ?

Les controverses autour de la visite d’État du président de la République en Chine en avril 2023 ont été l'occasion d'ouvrir un véritable débat public sur la politique de la France envers la Chine. Si ce débat, devenu urgent, est bienvenu, il nous paraît également opportun de le prolonger et de l’élargir à différents acteurs.
L’un des aspects du débat a concerné les difficultés que rencontre la recherche publique pour mieux faire connaître ses observations au-delà du cercle des spécialistes. Ainsi, le débat public, dans la sphère médiatique ou politique, semble souvent ignorer ou occulter les travaux de sciences humaines et sociales consacrés à la Chine contemporaine, notamment dans ses dimensions internes, qu’elles soient politiques, sociales, économiques ou historiques.
Cette situation soulève plusieurs questions. D’abord, comment la recherche, celle développée à l’université avec des financements publics, mais aussi celle développée dans les think tanks, avec des financements publics et privés, peut-elle intervenir de manière plus efficace dans le débat public ? Comment faut-il penser l’articulation entre les trois domaines que sont la recherche fondamentale, la recherche opérationnelle (ou expertise, au sens d’un savoir spécialisé qui informe directement une prise de décision), et l’élaboration des politiques publiques ? Comment susciter des publications à la fois solides sur le plan scientifique, et susceptibles de s’adresser à différents publics ? Alors que différents débats se déroulent en parallèle dans différents périmètres, comment favoriser une meilleure circulation entre les différents savoirs ? Comment appréhender le rôle des médias et des réseaux sociaux dans la diffusion des informations et des publications ?
Réciproquement, l’État semble désireux de renforcer les recherches sur la Chine contemporaine. Mais son intervention pose également d’autres problèmes. Comment éviter les erreurs récentes (comme la malheureuse expérience Eurics) et s’assurer que l’impulsion de l’État sert d’une part à véritablement soutenir la recherche et d’autre part à mieux informer l’élaboration des politiques publiques ? Est-il possible de s’appuyer sur l’urgence présente, tout en pensant dans la durée pour financer des thèses, des postes, des projets de recherche, des réseaux collaboratifs ? D’une part, l’État doit probablement mieux définir ce qu’il attend de la recherche, de l’autre, les financements qu’il apporte à la recherche et à l’expertise sur la Chine contemporaine (et sur d’autres thématiques) se doivent sans doute aussi de suivre un certain nombre de principes, notamment de transparence et de concertation avec toutes les parties prenantes.
Ces considérations sont également indissociables d’une réflexion sur les conditions actuelles de la recherche sur la Chine et en Chine. À l’heure où il est devenu difficile d’accéder aux archives et de mener des enquêtes en Chine, où les interactions entre universitaires chinois et étrangers sont de plus en plus contrôlées, et où même certaines bases de données chinoises deviennent inaccessibles de l’extérieur des frontières de la République populaire, les chercheurs doivent certes déployer des trésors d’ingéniosité. Certains chercheurs se voient refuser des visas ou sont même placés sur des listes de sanctions par la Chine.
Mais il ne faut pas non plus négliger les obstacles qu’ils rencontrent au sein même des institutions publiques françaises. Une étude récente a montré que les recrutements d’universitaires et de chercheurs, excluent de manière systémique les recherches sur les aires extra européennes, ou au mieux les relèguent au rang de curiosités orientalistes. S’il ne s’agit certes pas d’inviter l’État à s’ingérer dans les recrutements universitaires, il serait sans doute souhaitable que l’ensemble des acteurs de la recherche publique se saisissent de cette question, qui dépasse largement le cas de la Chine.
Nous nous proposons donc de prolonger cette discussion sous format de table ronde, organisée par Isabelle Thireau (CCJ-CECMC) et Sebastian Veg (CRH-GEHM, CECMC), en réunissant des acteurs divers issus la recherche publique et privée, du périmètre de l’État, ainsi que des médias pour essayer dans un premier temps de clarifier les termes du débat et les attentes des différentes parties.
Avec la participation de : Séverine Arsène, Jérôme Doyon, Julie Gacon, Marc Julienne, Manuel Lafont Rapnouil, Isabelle Thireau et Sebastian Veg
Économie, Histoire, Sociologie et sciences politiques ChineInformations pratiques
- Vendredi 9 juin 2023 - 17:00 - 19:00
- EHESS, (Salle AS1_08) - 54, boulevard Raspail 75006 Paris
- sebastian.veg@ehess.fr
- isabelle.thireau@ehess.fr